Les Troisièmes Transversales de Vaison-la-Romaine. 25, 26 et 27 mai 2006
Compte rendu d’Irène Bouaziz et de Chantal Gaudin
Vaison-la-Romaine, charmante petite ville de Provence connue pour ses ruines gallo-romaines et sa cité médiévale, est aussi un haut lieu de l’hypnose francophone depuis 1987.
Y ont vu le jour les dix premiers numéros de Phoenix, première revue d’hypnose francophone, puis, en 1990, l’Institut Milton H. Erickson d’Avignon Provence (association loi 1901, membre de la Fondation Erickson (U.S.A.)).
Après avoir organisé les deux premiers Forums de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves en 1997 et 2000, l’Institut Milton H. Erickson d’Avignon Provence propose tous les deux ans, depuis 2002, les Transversales, rencontres entre professionnels autour de l’hypnose enrichies par des incursions du côté de la création artistique et de l’humour.
Les Transversales de Vaison-la-Romaine sont, pour les praticiens de l’hypnose, une occasion particulièrement agréable de retrouvailles.
Loin du formalisme des autres congrès éricksoniens, c’est dans un cadre historique ensoleillé et une ambiance conviviale qui ne se dément pas grâce à l’accueil toujours chaleureux de l’organisateur, le docteur Patrick Bellet, que nous allons écouter des conférenciers venus des divers pays francophones, participer à des ateliers en plein air et déguster des spécialités gastronomiques de la région…
Les troisièmes Transversales ont accueilli cette année près de 150 participants (médecins, psychologues, psychothérapeutes, dentistes, kinésithérapeutes, sages femmes, infirmier) autour de 36 conférenciers, sur le thème : « Douleur, souffrance et hypnose, empreintes et chemins ».
Participaient aussi à ces journées : l’association Douleur sans Frontières à qui une partie du montant des inscriptions a été reversée, les éditions de Métalwalk qui publient une nouvelle revue Hypnose et Thérapies Brèves , Noëlle Châtelet (auteur de La dernière leçon), Catherine de Clippel, réalisatrice de documentaires, qui présentait deux films sur le chamanisme, une exposition des planches originales du Livre de Tao (écrit par les enfants de Villedieu pour les enfants victimes du tsunami en Thaïlande) et les Editions et librairie Satas.
Douleur et souffrance sont des thèmes qui inspirent des développements émouvants sur la nature humaine, le courage, l’altruisme, et beaucoup d’interventions, au cours de ces trois journées, ont été dans ce sens là.
L’ambiance conviviale et chaleureuse se prêtait admirablement aux expressions d’humilité et de modestie de la plupart des intervenants confrontés à la souffrance humaine. Pour une fois, il nous a semblé que les hypno-cow-boys rouleurs de mécaniques se sont faits un peu rares et plus discrets pour dire à quel point leurs brillantes techniques apportaient le salut (à moins que nous n’ayons raté leurs ateliers et communications…).
A l’issue de ces journées, il nous est apparu que le monde des utilisateurs de l’hypnose se divisait en deux espèces : ceux qui pensent faire de la magie avec l’hypnose et ceux qui pensent que l’hypnose fait faire de la magie aux patients.
Nous avons, comme vous l’imaginez, plutôt retenu ceux de la seconde catégorie.
Les beaux témoignages de Nicole Cuddy et Alain Forster, respectivement psychologue et anesthésiste à l’Hôpital Cantonal Universitaire de Genève, à propos des soins aux enfants gravement malades et des soins palliatifs… Voir, entendre, Nicole Cuddy raconter comment elle accompagne des enfants dans la mort avec l’hypnose… vaut son pesant de kleenex…
Nous avons aussi apprécié l’émouvante communication de Maryline Mariotti et Marie-Anne Leriche, infirmières à l’Hôpital des Enfants de Toulouse, sur L’hypnose en pédiatrie hospitalière, qui ont eu la surprise d’être, rapidement après leur formation à l’hypnose, submergées de demandes d’intervention.
Et, toujours en pédiatrie, où il semble que le corps médical soit plus ouvert qu’ailleurs aux techniques hypnotiques, Chantal Wood, pédiatre à l’Hôpital Robert Debré de Paris, évoquait L’hypnose dans le traitement de la douleur chez l’enfant et, dans la même tonalité, évoquait la nécessité d’avoir un regard positif sur les ressources de l’enfant en se laissant inspirer les interventions thérapeutiques par lui…
Mentionnons encore, parmi les communications de nos confrères somaticiens, celle du pneumologue Michel Nasr qui utilise l’hypnose, entre autres, pour effectuer des endoscopies bronchiques, examens peu douloureux, mais terriblement angoissants pour les patients. L’hypnose permet : gain de temps, diminution des risques puisqu’il n’y a pas d’anesthésie, diminution des coûts et suites plus simples. Cet usage de l’hypnose comme outil au service d’une pratique de somaticien nous paraît d’autant plus intéressant qu’il ne prétend pas aller au delà de ce qui est attendu : un soulagement.
Nous avons été interpellées par les différentes positions des praticiens vis à vis de la douleur chronique. Certains intervenants se montrent totalement confiants dans les ressources de leurs patients et se laissent inspirer par eux des interventions sur mesure, alors que d’autres semblent vivre les patients douloureux chroniques comme « usants », comme de malheureuses victimes qu’il faut porter à bout de bras, avec le risque de s’épuiser.
Nous avons, pour notre part, animé un atelier sur l’hypnose paradoxale et été particulièrement heureuses de voir qu’il a attiré beaucoup de participants attentifs.
Le paradoxe, dans le monde de l’hypnose, est un outil tantôt séduisant, tantôt inquiétant, mais presque toujours mal connu, et nous avons eu ainsi l’occasion de clarifier quelques notions et de faire une démonstration de son utilisation dans une séance d’hypnose.
Un des auteurs de ces lignes a par ailleurs présenté une communication : « Par delà la douleur et la souffrance : le paradoxe créatif » dont vous trouverez le texte intégral sur ce site.
En conclusion, en plus de la remarquable convivialité de ces rencontres, nous revenons avec l’impression que l’hypnose est en train d’acquérir ses lettres de noblesse dans le monde de la médecine somatique, ce qui est tout à fait réconfortant en termes de possibilités de soulagement de la douleur, et un peu plus inquiétant quand les somaticiens se targuent d’en faire une psychothérapie à coup d’interprétations sauvages.
Les psy semblent se faire plus rares, comme nous l’avions constaté l’an dernier au Quatrième Forum de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves (CFHTB), voire un peu dépressifs…
Attendons de voir ce que nous réserveront le Cinquième Forum de la CFHTB qui se tiendra du 17 au 19 mai 2007 à Liège (voir détails sur la page manifestations), et, nous l’espérons, les prochaines Transversales de Vaison-la-Romaine en 2008.
© I. Bouaziz/Paradoxes © C. Gaudin/Paradoxes