L’Association Française pour l’Étude de l’Hypnose Médicale (AFEHM) a organisé le 11 mai 2019 un colloque sur l’hypnose de François Roustang qui y avait enseigné pendant 20 ans.
Disparu en 2016, il a été l’un des grands « penseurs » de la pratique thérapeutique de l’hypnose en France. Son immense culture et sa longue expérience de thérapeute, d’abord psychanalyste puis hypnothérapeute, lui on permis de faire des liens entre l’hypnose et la philosophie, occidentale comme orientale.
Nous avions eu le privilège de bénéficier, dans le cadre d’un petit groupe, de séances de supervisons mensuelles avec lui, de 2004 à fin 2008, puis de prolonger les opportunités de rencontre lors de diners annuels. (Voir notre hommage : https://www.paradoxes.asso.fr/2017/10/souvenirs-de-francois-roustang/)
Le colloque auquel nous avons assisté le 11 mai a été l’occasion de le retrouver, à travers des vidéos tournées lors des formations ou supervisions qu’il animait dans le cadre de l’AFHEM entre 1998 et 2014.
Les organisateurs ont proposé un choix judicieux de courtes séquences dans lesquelles François Roustang évoquait différents thèmes comme : l’hypnose et l’effet placebo, la nécessité de ne pas avoir de méthode, l’impératif de considérer le patient comme une personne unique, l’attention … le travail d’Erickson, la pensée d’Hegel et de Wittgenstein.
Chaque séquence était ponctuée par des commentaires de thérapeutes et de philosophe qui venaient éclairer, compléter, les propos de François Roustang, témoigner de la façon dont chacun s’appropriait ses concepts, aussi bien dans son travail que dans sa vie personnelle.
Cette immersion dans le « bain roustanien » nous a permis de mesurer une fois de plus à quel point il reste présent pour nous, un peu à la manière d’un « Maitre Yoda », à quel point sa pensée a influencé notre pratique de l’approche paradoxale de Palo Alto, avec ou sans hypnose formelle. Comme cela se produit à chaque relecture de ses textes, nous avons découvert que nous comprenions différemment certains concepts ou au contraire que nous avions tellement intégré certaines de ses idées que nous pensions qu’elles venaient de nous. Nous avons pu aussi constater que certaines divergences avec lui persistent, en particulier dans sa façon d’être paradoxalement non paradoxal : « ne faites rien » et « allez-y ».
Il y a pour nous, dans notre travail de thérapeutes, un avant et un après François Roustang. Nous n’amenons plus les gens qui viennent nous demander de l’aide (il ne disait pas « mes patients » mais « les gens qui viennent me voir » nous a rappelé sa compagne Monique David-Ménard, philosophe et psychanalyste) à arrêter leurs tentatives de solution pour qu’ils atteignent leur objectif, nous le faisons maintenant sans intention de changement spécifique, simplement pour leur donner l’opportunité de faire une pause qui leur permettra de reconfigurer leur vie d’une façon plus satisfaisante.
Et pour terminer ce compte-rendu, voici quelques « aphorismes roustaniens » pour nous accompagner dans notre travail :
- « Ce qui est bon pour quelqu’un c’est qu’on le reçoive, et qu’on le reçoive comme une personne tout à fait singulière … ça c’est efficace, parce qu’alors vous êtes dans l’étonnement, et c’est cet étonnement qui est formidable »/li>
- « Il ne s’agit pas d’être bête, il s’agit de le devenir …»
- « L’intention ne se distingue pas de l’acte »
- « Quand on peut, on veut… » (pour parler du patient qui sent qu’il peut changer et va alors consulter)
- « L’hypnose est un suspens… »
- « L’hypnose est une reddition sans conditions: la soumission a tout permet par jeu de recréer le tout »
- « L’hypnose c’est « prendre un chemin qu’on ne connaît pas, vers un but dont on ignore tout et par des moyens qui n’existent pas.»
Le DVD de cette journée sera prochainement disponible (http://www.hypnose-medicale.com/publications/)
Merci à Jean-Marc Benhaïem et à ses collègues, organisateurs de ce colloque, de contribuer à maintenir vivante la pensée de François Roustang. Nous espérons vivement que d’autres journées de ce type seront organisées dans les années à venir.
Merci Irène pour ce témoignage dans lequel je me retrouve pour avoir partagé avec vous, tout au long de ces années, l’experience au contact de François.
J’aimerais simplement vous transmettre ces mots, ce que j’ai pu retenir de cette relation particulière. François possédait une culture qui me dépassait mais qui n’empêchait pas l’échange intellectuel, il possédait aussi un cœur qui permettait de ne pas se sentir jugé et qui donnait le sentiment de se sentir écouté, il était aussi porteur d’un corps dont la présence invitait à le rejoindre, c’était un homme complet… autant que je puisse le ressentir.
Lorsque nous lui apportions un cas clinique dans lequel nous étions empêtrés, il commençait invariablement par nous dire : « ce n’est pas votre problème «
Je crois aujourd’hui que là se situe la base, le point de départ de toute aide possible envers son prochain, afin de ne pas entraver un processus d’évolution possible. A condition d’accorder à celui qui nous demande de l’aide toute l’attention possible.
Merci François pour cette grande leçon.
Michel Krawczyk