Communication à la XIIIème journée de Rencontre de Paradoxes, 4 octobre 2014
Christine M., Manager
Pourquoi, en tant que manager, cette approche a-t-elle été intéressante pour moi ? Comment je m’en sers lors de mes entretiens individuels avec chacun de mes managers ?
Comment la « Grille de classement des informations » déclinée dans le Modèle de Palo Alto, me sert-elle à garder un « fil d’Ariane » ? Qu’est-ce qui me permet de les aider dans leurs tentatives de résoudre leurs problèmes, à un moment donné, avec leur équipe ou avec un équipier ?
Et finalement, en quoi cet outil de « rangement », cette « grille » a-t-elle aussi ses limites dans mon contexte ?
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Bonjour à tous,
Vous savez que c’est très impressionnant d’être de ce côté-ci de cette salle ! Face à vous ! La Farandole permet de nous auto-stimuler en étant plusieurs. En effet, ça m’a rassurée de savoir que nous serions cinq à tenter de mettre de l’ordre dans nos idées pour partager avec vous quelques bribes, quelques passages, quelques phrases clefs de nos romans-photos personnels qui relatent d’une façon ou d’une autre, notre propre aventure personnelle avec le fameux « modèle de Palo Alto ». Être plusieurs donc, pour donner le change, avec chacun son style, et tous la même contrainte majeure : vous aider à faire passer le cap de l’après -repas !
Je me présente : je suis manager de plusieurs responsables d’équipe et de chefs de projet. J’ai commencé à longer le « fleuve » Palo Alto, pendant de longs mois, avant de me décider. En fait, j’ai beaucoup aimé ces « excursions », deux jours par an, avec l’Association Paradoxe, au bord du « fleuve ». C’était des journées, pour moi comme « entre parenthèses », me permettant de respirer et de jouer, tout en réfléchissant à certaines de mes problématiques de ma vie de manager, auprès d’oreilles attentives. Pendant 18 mois, j’ai découvert un nouveau monde, par petites touches, deux fois par an, avec des démonstrations mémorables et des exercices en petits groupes. Par exemple, avec celui de « l’Anthropologue et l’Extraterrestre ». Je sentais qu’à-travers ces exercices, il y avait un langage à part, spécifique au «monde de l’autre côté du fleuve », qu’il me faudrait du temps pour y arriver et pour l’apprendre.
En janvier, j’ai trouvé « le gué au bord de l’eau », et je me suis lancée : j’ai démarré la traversée. Pourquoi ce périple ?
En tant que manager de managers, je me suis souvent sentie seule et désorientée face aux nombreuses informations reçues pendant mes entretiens avec chacun de mes responsables d’équipe, principalement en 1to1, les entretiens individuels. J’ai deviné, en jouant à questionner « l’Extraterrestre » le long du « fleuve », que l’agencement des informations partagées par notre interlocuteur était crucial pour aller à l’essentiel et pour nous guider dans notre choix de questions.
C’est ainsi que depuis, dans la « vraie vie » avec mes managers, je trouve parfois très utile d’avoir recours à la grille pour mettre de l’ordre dans tout ce qui m’est dit, pour rebondir, ou pour laisser filer…
Je suis à pied, au début de la traversée, l’eau est comme celle d’une rivière, pour l’instant c’est bon. On continue. Vous me suivez ?
Si vous le voulez bien, pour plus de clarté, je vais me permettre d’utiliser avec vous les surnoms de mes managers que j’use chez moi, quand d’aventure la coupe est trop pleine et que j’en déverse un peu avec Homme et Enfants…
L’un de mes managers est « La Princesse-aux-Yeux-Verts ». Elle vient d’arriver dans mon service. Cela fait neuf mois que je l’ai recrutée. Elle se questionne et ne reste pas seule avec ses « sacs en vrac » ; elle sait les « déposer » avec moi en 1 to 1. Elle est demandeuse d’aide, elle est toujours prête à essayer de faire les choses autrement. Tout ça pour dire que « Princesse-aux-Yeux-Verts » sait me parler de ses problèmes spontanément. Alors, c’est avec elle, qu’un jour, timidement, j’ai commencé, sur mon cahier, à faire une grande croix pour prendre des notes de ce dont elle me parlait et pour m’y retrouver…
Problème, objectif, tentatives de solution, vision du monde, dans un long rectangle en bas de page, le contexte, et dans la marge, tout le long, le positionnement.
Au fil de ses explications, pendant notre entretien, j’ai pu la suivre avec mon propre « fil d’Ariane » en main. Une fois le problème avec son collaborateur cerné et défini, reformulé et confirmé, une fois clarifié son objectif de changer, elle, quelque chose dans son mode de fonctionnement avec cet équipier, j’ai retranscris sous la « boîte » « Tentatives de solution », ses différents essais. Puis, au bout d’un moment, je lui ai demandé :
– « Est-ce que tu crois que tu as tout essayé ? », et là, il y a eu un long silence. Puis elle m’a répondu :
– « Et bien, en fait, non ; il y a peut-être bien encore quelque chose à laquelle je pense et que je pourrais essayer, mais je n’ai pas encore pris le temps d’aller jusqu’au bout de mon idée ».
Et voilà. Arrêt sur image. Tout venait d’être dit. Alors, tout doucement, tout naturellement, j’ai senti que ce classement et cet échange pas-à-pas, de questions et de réponses, avait conduit « la Princesse-aux-Yeux-Verts » à voir autrement, à reprendre son problème en « changeant de lunettes ».
Elle m’a formulé une nouvelle étape, une nouvelle organisation qu’elle voulait mettre en place dans son équipe et qui permettrait peut-être à chacun, dont l’équipier en question, de prendre une nouvelle place, d’appréhender leur rôle et interactions différemment. Selon elle, ça valait la peine d’essayer.
Elle est repartie avec la « tâche » de me présenter sa proposition de nouvelle organisation lors de notre prochain 1 to 1, ce qu’elle a fait. Puis, plus tard, elle a fait le changement dans son équipe qui a permis au collaborateur avec qui elle avait un problème de complètement s’épanouir. Leur relation professionnelle de l’un vis-à-vis de l’autre s’est transformée.
Le succès de cette histoire, c’est la grille. Je suis par nature, plutôt encline à ne pas chercher à plaquer de solution toute faite pour mes managers. C’est eux qui savent, mieux que moi, ce qui leur faut faire. Cependant, quelque fois, c’est tellement embrouillé dans leur tête, qu’ils ne savent plus dans quel ordre prendre les choses.
Au fil de nos entretiens, le classement de leurs informations dans les 4 grandes parties tracées sur mon cahier, me permet en tant que manager, de garder les yeux « sur l’autre rive », de sentir les pierres sous mes pieds, et d’avancer pas-à-pas, sur le gué.
Donc, vous l’aurez compris, je me sers de cette grille de Palo Alto pour aider mes managers à résoudre leurs problèmes du moment, avec leur équipe ou l’un de leurs équipiers.
Mais parfois, je ne peux pas m’en servir. La grille ne m’est en effet d’aucun secours avec le manager que j’ai surnommé pour moi « Tortue ». Tortue n’a jamais de problème. Et ça, grâce à Palo Alto, je sais que c’est mon problème, pas le sien !
Avec lui, pas d’emploi de grille. J’écoute. J’évite autant que possible les pièges de la « Mama » ou du « Club social ». Je lui montre occasionnellement dans un miroir son reflet de « Caliméro », il en rit, moi aussi, et il continue. Il n’a pas de problème, et c’est bien mon problème !
Quant à l’usage de la grille pour soi-même… C’est là un tout autre programme. Je n’ai probablement pas encore assez avancé dans la traversée du gué, pour prétendre m’auto-questionner avec elle, pour m’aider à gérer « Tortue »… Mais tout va bien : je suis au début du Cycle 2 de l’École du Paradoxe, le brouillard monte sur les rives d’en face, droit devant… Le gué sera encore long…
Merci à vous.
© Christine M/Paradoxes
Pour citer cet article :
Christine M, De l’exercice de « l’Anthropologue et l’Extraterrestre » à la vraie vie auprès de mes managers. 2014.
www.paradoxes.asso.fr/2014/10/de-lexercice-de-lanthropologue-et-lextraterrestre-a-la-vraie-vie-aupres-de-mes-managers/