Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Communication au congrès de l’Institut Milton H. Erickson de Paris, 27 mars 2004
Docteur Irène Bouaziz

Maîtriser le lâcher-prise : un titre paradoxal pour une démarche paradoxale, n’est-ce pas le moins que l’on puisse faire?
Depuis plus de deux mille ans le paradoxe fascine les hommes parce qu’il défie leur croyance en un univers cohérent. Selon la jolie expression de Paul Watzlawick : « Le paradoxe constitue le talon d’Achille de notre image logique, analytique et rationnelle du monde.»
Que le paradoxe imprègne l’ensemble d’une philosophie, comme dans le taoïsme ou le bouddhisme zen ou qu’il soit utilisé de façon pragmatique comme outil thérapeutique dans la logothérapie de Viktor Frankl, dans les interventions spectaculaires de Milton Erickson ou dans l’ensemble de la stratégie de l’école de Palo Alto, il est toujours, par le trouble qu’il provoque, un puissant moteur de changement.

Cependant, aborder les problèmes sous l’angle du paradoxe demande déjà au thérapeute une sérieuse remise en question.
Notre formation, voire notre vocation, nous programme à agir pour que les patients cessent de souffrir. Aller à l’encontre du premier mouvement qui nous pousse à soulager, consoler, réconforter, rassurer, encourager, est presque anti-naturel. Et au-delà, convaincre le patient de cesser de vouloir aller mieux, et même d’aller plus mal… ne frise-t-on pas l’hérésie?

Pourtant, comme le dit si élégamment François Roustang dans son Petit guide du changement :
«Règle I: Le changement de la relation à soi, aux autres et à l’environnement est en proportion inverse de la volonté de changement.»
Mais le non-agir des taoïstes n’est pas à la portée du premier venu et aider un patient en lui disant, ex abrubto,: « si vous voulez aller mieux, cessez de vouloir aller mieux» n’est pas non plus à la portée du premier thérapeute venu.
Alors, comment sortir de ce paradoxe ? Vouloir ne plus vouloir, c’est encore vouloir.

Plus de dix années de pratique de la thérapie brève de Palo Alto, approche paradoxale par excellence, m’ont conduite à penser, de façon peut-être un peu prétentieuse, que nous avons à notre disposition des outils simples et efficaces pour contrer ce paradoxe du « vouloir ne plus vouloir » et aider les patients à changer.
Lorsque je dis « simples », c’est par opposition à ce que j’imagine être le long et douloureux chemin qui conduit à l’illumination à coup de méditation et de koans.

Parce que ce n’est, bien sûr, pas si simple que cela.

Mais pour commencer, voici un petit exemple du résultat que peut donner l’incitation à ne pas changer:
Marie est une jeune femme de 25 ans qui vient demander un traitement par hypnose pour se débarrasser d’une boulimie dans laquelle elle ingurgite, jusqu’à six fois par jour, d’énormes quantités de nourriture qu’elle vomit ensuite. Marie considère qu’elle a un problème avec la nourriture depuis l’enfance, mais la forme actuelle des crises a débuté à l’âge de 16 ans, succédant à une grave anorexie pour laquelle elle avait été hospitalisée. Elle a fait depuis, plusieurs thérapies. Comme la plupart des candidats à l’hypnose, elle espère parvenir à comprendre l’origine de son problème et ainsi le voir disparaître.

Dès la première séance, deux questions lui sont posées qui vont laisser entendre que le changement n’est pas impératif:
– « qu’est ce qui lui pose problème dans cette boulimie? »
– « à quoi souhaite-t-elle arriver? à réduire la boulimie? à la faire disparaître ? à être bien dans sa peau? ou à autre chose encore? »
Marie est surtout gênée par le fait d’être en permanence obsédée par l’idée de manger, par la perte de temps que représentent les crises de boulimie et le retard que cela lui fait prendre dans ses études, par la honte, par le coût financier et par les risques pour sa santé.
Elle n’a pas d’idée très précise sur l’objectif qu’elle veut atteindre, mais, alors qu’elle avait débuté l’entretien en affirmant vouloir se débarrasser de la boulimie, la question semble l’autoriser à dire qu’elle n’envisage pas de ne plus faire du tout de crise.

Tout au long des séances suivantes, alors que sont abordées ses relations avec ses parents, ses frères et sœurs, son petit ami, ses études, seront ainsi posées des questions ou faites des remarques allant à contre sens de l’idée de mettre fin à la boulimie:
– « quels inconvénients y aurait-il à être débarrassée de la boulimie? »
Marie, qui ne s’était jamais posé la question dans ces termes, est particulièrement intéressée par la réflexion et revient à la séance suivante avec une liste d’inconvénients: elle risquerait de se laisser aller physiquement et de grossir, elle n’aurait plus de moyen d’attirer l’attention des gens, elle risquerait de péter les plombs sans cette soupape de sécurité.
Cette énumération fournit l’occasion de monter d’un cran dans le paradoxe: « s’il y avait une pilule magique anti-boulimie, il ne faudrait surtout pas qu’elle la prenne, sinon sa vie risquerait de devenir invivable ».
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À la séance suivante, Marie dit qu’elle a l’impression d’être prise dans un cercle vicieux: plus elle essaie de s’empêcher de faire des crises, plus elle est obsédée par l’idée de manger et elle finit par craquer en se culpabilisant.
Le moment est donc propice pour une prescription de symptôme: pour briser le cercle vicieux il lui est demandé de faire au moins une crise par jour.

Dans les semaines suivantes, Marie se trouve de mieux en mieux, elle vit mieux ses crises, se sent moins stressée et voudrait commencer l’hypnose.
Nous sommes à la septième séance et, à ce stade là de la thérapie, il s’agit surtout de maintenir le cap du contre-courant: nous convenons de débuter l’hypnose à la prochaine séance, mais surtout pas pour traiter la boulimie dont on a vu à quel point elle lui était actuellement indispensable.
Mais Marie pense que si l’hypnose lui permet d’être bien avec elle-même, elle pourra se passer de la boulimie. Pour maintenir le cap paradoxal il est donc nécessaire de recadrer l’objectif de la thérapie: le but est qu’elle atteigne l’équilibre qui lui conviendra le mieux, mais qu’elle ne peut pas déterminer pour l’instant, avec ou sans la boulimie. Il est important qu’elle ait la liberté de choisir ce qu’elle mange, le poids qu’elle pèse et la façon de le réguler.
Marie est très surprise, au cours de toutes ces années de traitement, on ne lui avait jamais dit une chose pareille, elle trouve cette perspective déculpabilisante.

C’est ainsi qu’aux recadrages paradoxaux et aux prescriptions paradoxales s’ajoutent, à partir de la huitième séance, des séances d’hypnose paradoxales sur des thèmes que Marie choisit-elle-même: la culpabilité, le stress, la tristesse; thèmes qu’elle va courageusement explorer en s’abîmant dedans.

Bien évidemment, la progression n’est pas linéaire et l’état de Marie fluctue aussi au rythme de ce qui se passe dans sa vie: les conflits familiaux, les examens, les hésitations sur son avenir professionnel, les turbulences dans la relation avec son petit ami.
Aujourd’hui, à la 15e séance, un an après le début de la thérapie, Marie dit que plus elle avance, plus elle est tolérante vis à vis d’elle-même; elle vit mieux avec la boulimie. Elle en parle et en rigole avec son petit ami, elle est moins stressée, elle en a moins honte. Ce qu’elle voudrait par-dessus tout, c’est que ça ne l’empêche pas de vivre. La boulimie lui apporte beaucoup, c’est un réel plaisir de se goinfrer, dit-elle. Aujourd’hui, pour elle, le boulet est moins lourd, elle voit plus souvent ses amis, sort au restaurant et certains jours même, elle utilise son argent pour autre chose que la bouffe.

Pour un thérapeute paradoxal, voilà qui met du baume au cœur, mais il ne faut pas pour autant lâcher la barre, une petite réflexion paradoxale s’impose: « vous ne vous empêchez tout de même pas de faire des crises de boulimie? »
Marie me rassure: non, mais ça a changé, elle évite maintenant de se dire de ne pas faire de crise. Elle a remarqué que quand elle ne se dit pas au début de la journée: « il ne faut pas que j’en fasse », il arrive qu’elle n’en ait pas envie et n’en fasse pas, alors que si elle s’interdit d’en faire, elle y pense toute la journée, finit par la faire, et c’est encore pire le lendemain.

La thérapie n’est pas terminée, et je n’ai pas la moindre idée de ce que sera une issue satisfaisante pour Marie, pas plus que je ne sais quel métier sera finalement un bon choix pour elle. Que Marie se trouve bien dans sa vie avec une crise de boulimie par mois, une par semaine ou deux par jour importe peu, ce qui compte c’est que cela relève de son choix et qu’elle se sente bien avec elle-même et avec les autres.
En ne s’interdisant plus de faire des crises, Marie est en train d’apprendre à ne plus vouloir, elle est en train d’apprendre à lâcher prise par rapport à son problème, à arrêter ses tentatives de solution inefficaces et elle se donne ainsi les moyens d’aller mieux.

J’imagine bien que, pour certains thérapeutes, cette vignette clinique n’apparaît en rien démonstrative, peut-être même quelques uns seront-ils choqués par une approche aussi peu thérapeutique à leurs yeux.

Et nous arrivons là à l’aspect difficile de la démarche paradoxale.
Je ne sais pas si c’est une question d’accès à l’illumination ou de choix idéologique, mais il est bien possible que cette façon de penser et de procéder ne convienne pas à tous les thérapeutes.
Quoiqu’il en soit, pour poser ces questions paradoxales, prescrire ces tâches avec pertinence, il faut avoir surmonté plusieurs difficultés.

Ainsi, pour amener un patient à changer en cessant de vouloir changer, faut-il d’abord établir clairement une relation thérapeutique de qualité dans laquelle on saura faire passer des messages complexes parce qu’en apparence contradictoires : « oui, je vais faire tout mon possible pour vous aider », « non, je ne vais pas vous pousser (ou vous tirer) vers le changement auquel vous aspirez ».
Parce que pour être paradoxale, une intervention doit aller à contre-sens de ce qui est attendu. Ce n’est que parce que le contexte est celui d’une thérapie dans laquelle le thérapeute a montré à quel point il comprenait la souffrance du patient et donné son accord pour l’aider, que la suggestion d’amplifier cette souffrance pendant 15 minutes a un caractère paradoxal.

La seconde difficulté tient à la position adoptée par le thérapeute ou, pour reprendre l’expression bien plus évocatrice de François Roustang, à la disposition du thérapeute.
Là encore il s’agit de vouloir sans vouloir.
Une notion presque impossible à faire passer avec les limitations de notre langage linéaire et exclusif.
Vouloir aider le patient sans vouloir à tout prix qu’il aille mieux. Etre à la fois intensément attentif au patient, à sa souffrance et en même temps détaché de l’objectif. Accepter la demande de soulagement en ne préjugeant pas de la forme que celui-ci peut prendre, accepter l’idée que le patient aille mieux avec son problème autant que sans lui ou avec un autre problème.
Ne pas avoir d’intention concernant le patient, ne pas préjuger de ce qui est bon pour lui, bien sûr, mais ne pas adhérer non plus à l’idée que ce qu’il demande est bon pour lui, de façon à lui permettre d’aller éventuellement au delà d’une demande de pure forme, socialement acceptable.
Aider en ne cherchant pas à tout prix à changer le patient, en ne cherchant pas à le pousser vers une vie qui paraîtrait, à lui, à nous ou à la société, plus satisfaisante parce que débarrassée de la phobie, de l’addiction, des obsessions, de la tristesse, de l’angoisse ou du délire par exemple.
Pour cela, non seulement il ne faut pas être normatif, mais, plus encore, il faut être ouvert à toutes les possibilités, même les plus inconcevables. C’est une condition indispensable pour permettre au patient d’accéder à ce qui lui convient vraiment.
Les changements qui sont alors obtenus sont parfois surprenants et correspondent exactement à ce dont le patient a besoin à ce moment là de son existence: cela peut aller de ce qui de l’extérieur apparaît comme la persistance du symptôme, mais avec un vécu intérieur totalement différent, à une transformation radicale qui va bien au delà de ce qui était imaginable, en passant par d’innombrables variantes qui constituent autant d’aménagements différents qu’il y a d’êtres humains différents vivant dans des contextes différents.
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La troisième difficulté tient à la stratégie thérapeutique.
Pour utiliser le paradoxe de façon cohérente, il faut l’intégrer à une stratégie paradoxale rigoureuse. On ne peut aller un jour à contre-sens et un jour dans le sens du courant, suggérer qu’il est préférable de conserver sa phobie des transports en commun, compte tenu de la quantité d’attentats auxquels on est exposé, pour, à la séance suivante insister sur la nécessité d’apprendre à se relaxer pour pouvoir prendre le métro plus facilement.
Pour résumer, l’utilisation d’une approche paradoxale nécessite que le thérapeute établisse une relation thérapeutique de qualité, qu’il soit dans les dispositions adéquates et qu’il tienne bon le cap du contre-sens.

Ceci étant posé, comment expliquer que le fait de ne plus vouloir changer, permette de changer?
Que de lâcher prise par rapport à un problème permette de le résoudre?
Que le fait d’arrêter les tentatives de solution inefficaces permette d’accéder à une solution?

Chaque théorie a probablement son explication.
Est-ce parce que le non-agir permet que rien ne soit pas fait, comme le dit Lao Tseu?
Est-ce par le mystérieux effet de la loi de l’effort inversé, comme dirait Alan Watts?
Est-ce parce qu’en cessant de poursuivre des buts conscients, on laisse la place au changement coévolutif qui englobe l’ensemble des systèmes en présence, comme dirait Gregory Bateson?
Est-ce parce qu’en mettant le conscient entre parenthèses, on laisse faire l’inconscient et ses ressources infinies, comme dirait Milton Erickson?
Est parce qu’en empêchant le recours aux tentatives de solution inefficaces, le problème cesse d’être maintenu comme le postule l’École de Palo Alto?

Il est bien possible que toutes ces explications soient différentes façons de dire la même chose, et, comme c’est bien souvent le cas, une métaphore peut être plus parlante.

Je me représente la volonté d’aller mieux, et toutes les pensées et tous les actes associés à cette volonté, comme une corde tendue entre le problème et l’objectif.
Par exemple entre l’angoisse et le calme. Quand, malgré les injonctions que l’on peut se faire à soi-même : « calme-toi, cool, relax » ou que l’on nous fait, malgré les dérivatifs de toute sorte, malgré les tranquillisants ou les techniques de relaxation, on ne parvient pas à se calmer, la tension vers le calme devient de plus en plus grande, la corde de plus en plus tendue.
Lorsque les patients viennent nous consulter, c’est qu’ils ne sont pas parvenus par eux-mêmes, et même parfois avec l’aide de leur entourage ou d’autres thérapeutes, à aller mieux, à atteindre leur objectif. La tension vers cet objectif est donc encore plus importante.
Dans l’approche paradoxale le travail thérapeutique va consister, plus ou moins progressivement, à réduire cette tension, à détendre cette corde trop tendue, de façon à lui redonner de la souplesse.

J’utilise avec plus ou moins de succès cette métaphore depuis plusieurs années pour tenter d’expliquer les effets du paradoxe à des étudiants.
En la reprenant pour cette communication, peut-être inspirée par le contexte du congrès de l’Institut Milton Erickson de Paris, à moins que ce ne soit par souci de parler le langage de l’auditoire, une autre image m’est venue, sur le thème d’une célèbre métaphore d’Erickson.

Face à un problème qu’il ne parvient pas à résoudre, tout se passe comme si le patient allait toujours chercher la solution dans le même rayon de son grand magasin de ressources, bien qu’il ne l’y trouve pas.
Sa logique, sa vision du monde basée sur ses valeurs, ses croyances, ses expériences précédentes, tout lui dit que la solution se trouve au rayon B23, et, quand il ne l’y trouve pas, il se dit qu’il a mal cherché puisque c’est là qu’elle se trouve forcément; et il y retourne inlassablement.
Le thérapeute va, par ses interventions, bloquer le chemin qui conduit au rayon B23 et, une fois ce chemin barré, le patient pourra se promener dans les autres rayons de son grand magasin de ressources et y trouver, le plus souvent, la solution qui convient le mieux.

Il me semble que ce qui rend accessible le fait de cesser d’agir en vue du changement, c’est que justement, il faut agir pour cela : une action pour la non-action.
Un paradoxe vraiment mobilisateur.
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Nous voilà donc avec une technique accessible et efficace pour accéder au changement.
Et au delà de cette accessibilité, au delà de l’efficacité, ce type d’approche des problèmes me semble avoir des implications bien plus larges.

Mais peut être faut-il tout d’abord faire une différence entre « utiliser le paradoxe » et « adopter une démarche paradoxale ».
Certains thérapeutes, et non des moindres, ericksoniens, familiaux, provocatifs ou stratégiques, manient le paradoxe avec une impressionnante habileté et en font une redoutable arme de guerre contre le symptôme.
C’est accessible et efficace, mais cela ne requiert pas les mêmes dispositions de la part du thérapeute que l’adoption d’une démarche paradoxale telle que développée plus haut.
Et surtout, cette conception de l’utilisation du paradoxe comme un outil, une arme, s’inscrit dans une logique dont les prémisses, comme les conséquences, sont radicalement différentes.
Sans aller plus loin sur ce sujet, il me paraît juste nécessaire de préciser que, lorsqu’on adopte une démarche paradoxale, avec toutes les dispositions que cela implique, le but est d’aider des êtres humains à vivre et non plus de traiter des symptômes, des maladies ou des dysfonctionnements.

Pour conclure, je voudrais évoquer brièvement ce qui, au-delà de l’efficacité, me paraît être un apport particulièrement précieux de la démarche paradoxale.
En adoptant cette position véritablement non-normative, le thérapeute se montre profondément respectueux du patient. Et, avec le respect, avec le fait de considérer l’autre comme un être humain singulier, responsable et compétent, vient aussi la confiance dans ses capacités.

Face à un thérapeute qui considère comme tout à fait acceptable la peur de traverser un pont, la nécessité de vérifier 14 fois si la porte est bien fermée, le fait d’être en communication télépathique avec les Martiens ou le dégoût de la vie, le patient peut se sentir réellement compris.
Lorsqu’il s’entend demander : « en quoi cela vous pose-t-il un problème? », il découvre qu’il pourrait décider par lui-même, en dehors de toute norme psychologique, médicale ou sociale, de ce qui est acceptable ou non pour lui.
Lorsqu’il lui est proposé de réfléchir aux inconvénients qu’il y aurait à être débarrassé de son problème, à la part de problème qu’il souhaite conserver, à ce qui serait pour lui un changement satisfaisant, il se trouve confirmé dans cette responsabilisation qui lui redonne les rennes de sa propre vie.
Lorsqu’il voit que le thérapeute ne lui propose pas de solution, mais que, par des questions ou des suggestions un peu déroutantes, il lui permet d’expérimenter de nouvelles façons de vivre et de voir les situations, le patient perçoit cette confiance dans ses capacités à trouver le chemin qui lui convient vers le mieux être et il commence un apprentissage.
Il apprend à pousser les expériences plus loin, à les adapter à d’autres situations, à se montrer inventif, créatif, il apprend à changer autrement que par cette tension qui l’entraînait auparavant toujours vers le rayon B23 de son grand magasin de ressources.

Et, devant l’inventivité des patients qui trouvent des solutions parfois totalement inattendues et tellement plus satisfaisantes pour eux que toutes celles qui auraient pu sortir d’un livre de psychologie ou de sa propre imagination, le thérapeute ne peut qu’être conforté dans l’idée qu’il doit avoir confiance dans leurs capacités.

Une toute petite illustration clinique pour terminer.
Julie, est jeune femme de 27 ans, sévèrement handicapée depuis plusieurs années dans sa vie personnelle et professionnelle par la peur de rougir. Lors du second entretien il lui est proposé, avec l’argument qu’il s’agit de préparer le travail qui sera fait dans les séances d’hypnose, de s’entraîner à bien ressentir la vasodilatation au niveau du visage en rougissant volontairement devant une glace pendant 10 minutes tous les jours.
Comme Julie ne parvient pas à rougir seule devant sa glace, elle a l’idée d’améliorer la tâche en se forçant à rougir en présence des personnes face auxquelles elle se sent mal à l’aise. Elle s’étonne alors de constater que cet effort pour rougir a tendance à bloquer le rougissement.
Julie a donc fait, toute seule, la plus grande partie du travail.
Les six séances d’hypnose qui ont suivi l’ont progressivement confortée dans la confiance qu’elle pouvait avoir dans ses propres compétences.
Sa crainte de rougir s’est trouvée réduite à des proportions tout à fait acceptables pour elle et elle a pu, comme elle le souhaitait, changer de travail et se marier.
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Ainsi, l’émerveillement devant la magie du paradoxe, devient un émerveillement ô combien plus riche devant la magie humaine, devant les infinies capacités des êtres humains à résoudre leurs problèmes.

© I. Bouaziz/Paradoxes

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